PROJECTS DE BOURSES POUR CHERCHEURS CLINICIENS Est-ce que les microbiomes peuvent aider à prédire la réponse à l’immunothérapie?

Tous les patients qui passent la porte du cabinet du Dr Bertrand Routy posent la même question : comment vont-ils réagir à l’immunothérapie qu’il vient de leur prescrire? Chaque fois, le Dr Routy est obligé de répondre franchement : « Je ne sais pas. Il faut attendre et voir. »

Pour le Dr Routy, immuno-oncologue et spécialiste du microbiome au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) dont la pratique et la recherche se concentrent sur le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC), cette réponse ne suffit pas. « Lorsque l’immunothérapie a fait son apparition il y a dix ans, nous pensions qu’elle allait révolutionner le traitement du cancer du poumon, dit-il. Mais bien que ce traitement novateur donne des résultats incroyables chez certaines personnes, pour la majorité de mes patients, les résultats sont décevants, et les avancées dans ce domaine ont malheureusement atteint un plateau ces dernières années. »

Pour dépasser ce plateau, le Dr Routy croit que les chercheurs doivent sortir des sentiers battus pour trouver de nouvelles façons de comprendre qui répondra à l’immunothérapie et, surtout, pour améliorer l’efficacité de ces thérapies chez davantage de patients. Il a l’intention d’utiliser la nouvelle Bourse Marathon de l’espoir pour chercheurs cliniciens du Réseau des centres d’oncologie du Marathon de l’espoir (d’une valeur de 225 000 $, à laquelle le CRCHUM versera une somme équivalente au cours des trois prochaines années, pour un total de 450 000 $) pour tenter de répondre à ces questions en explorant un domaine émergent des sciences de la santé : le microbiome humain.

Lien entre microbiome et cancer

Le microbiome humain est le nom collectif donné aux billions de microbes qui vivent dans et sur le corps humain. Ces dernières années, la composition du microbiome intestinal – l’ensemble des microbes qui vivent dans le tube digestif – est devenue un sujet brûlant pour les chercheurs et les passionnés de santé, après qu’on eût découvert qu’il jouait un rôle important dans de nombreux aspects de notre santé, de la longévité globale au bien-être mental.

Mais l’intestin n’est pas le seul endroit du corps où vivent des bactéries et des microbes. Dernièrement, des chercheurs ont découvert ces organismes dans des tissus auparavant perçus comme « stériles », notamment les tumeurs et le sang. Ces découvertes ont conduit des chercheurs en immunothérapie comme le Dr Routy à explorer les liens qui pourraient exister entre ces microbiomes et le cancer – ce qui a donné lieu à des résultats extraordinaires.

« Nous savons maintenant que la diversité des microbiomes et la présence ou l’absence de bactéries spécifiques dans l’organisme influent sur la façon dont on réagit aux différents traitements contre le cancer, explique le Dr Routy. Ces bactéries – qu’elles se trouvent dans l’intestin ou dans une tumeur – sont des médiateurs clés de notre réponse à l’immunothérapie, ce qui porte à croire que des tests pour vérifier leur présence dans l’organisme nous permettraient de savoir si un patient répondra ou non à la thérapie. » 

Cela pourrait constituer un changement de paradigme majeur pour l’immunothérapie. C’est d’ailleurs pourquoi lui et son équipe utiliseront la nouvelle bourse pour valider ces constatations chez les patients atteints de CPNPC et traités par immunothérapie, tout en allant un peu plus loin. Dans le cadre de son projet, il effectuera un séquençage multi-omique du microbiome intestinal, du sang périphérique et de la tumeur afin de déterminer si ces trois microbiomes sont réellement liés; il mènera aussi des études cliniques visant à vérifier si la modification du microbiome intestinal – au moyen de transplantations fécales et de prébiotiques – peut avoir un effet en aval sur la composition du microbiome tumoral, ce qui pourrait contribuer à améliorer les chances de bien répondre à l’immunothérapie. 

« Je crois sincèrement que, si elle est confirmée, cette découverte sera la plus importante dans le domaine de l’immunothérapie depuis l’avènement des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires », déclare le Dr Routy.

Collaborer pour faire progresser la médecine de précision pour les patients atteints de cancer

La Bourse Marathon de l’espoir pour chercheurs cliniciens permettra au DRouty et à son équipe d’accéder à toute la puissance du Réseau des centres d’oncologie du Marathon de l’espoir, notamment à l’expertise et aux données de collaborateurs de tout le Canada. Cela l’aidera à valider les découvertes qu’il fera dans le cadre du projet, ce qui sera essentiel pour accélérer le moment où ses patients pourront en bénéficier.

« Les chercheurs sont toujours limités par le nombre d’échantillons de tumeurs auxquels ils ont accès. Nous sommes donc très heureux que d’autres chercheurs du Réseau puissent séquencer le même type de tumeur et nous fournir davantage de données pour valider les résultats que nous obtiendrons ici à Montréal, explique le Dr Routy. Pour changer la pratique clinique, il faut des preuves solides, et pour obtenir des preuves solides, il faut de grandes cohortes de patients. C’est grâce à des initiatives comme le Réseau des centres d’oncologie du Marathon de l’espoir, qui permet de collaborer et de mettre des données en commun, que nous pouvons faire des découvertes qui ont un impact réel sur la vie de nos patients. »

Comment les microbiomes influent sur le contexte immunitaire intratumoral et réagissent aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaires chez les patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules

<< Ces bactéries – qu’elles se trouvent dans l’intestin ou dans une tumeur – sont des médiateurs clés de notre réponse à l’immunothérapie, ce qui porte à croire que des tests pour vérifier leur présence dans l’organisme nous permettraient de savoir si un patient répondra ou non à la thérapie.>>